Dans cet article de notre série « Paroles d’ambassadeurs », plongez dans le témoignage du capitaine de corvette Esteban, officier au sein de la Marine nationale. Il vous livrera le récit de l’une de ses plus importantes missions en tant que Commandant d’un équipage : protéger le centre spatial guyanais de Kourou à l’occasion du lancement de la fusée Ariane V.
« Paroles d’ambassadeurs » offre un espace d’expression pour notre communauté en dehors des rendez-vous My Job Glasses. Nos ambassadeurs prennent la parole pour partager leurs histoires, points de vue, informations sur leur profession ou expériences personnelles avec une audience plus large.
Je suis le capitaine de corvette Esteban de la Marine nationale. Officier de marine, j’ai eu la chance et l’honneur de commander un patrouilleur basé en Guyane durant 18 mois. Parmi nos missions, celle d’une importance primordiale : protéger le centre spatial guyanais de Kourou notamment lors des lancements de fusées. Je partage avec vous ici une de ces missions à l’occasion du décollage de la fusée Ariane V. À travers ce texte, j’espère que vous comprendrez (un peu) le fonctionnement d’une unité de la Marine, mais aussi mon rôle de Commandant de cet équipage.
Un équipage et un bateau taillés pour la Guyane
L'équipage polyvalent du patrouilleur La Résolue
Avant de parler de cette mission en elle-même, peut-être faut-il d’abord vous décrire qui sont les acteurs en présence. Ce sont d’abord les 24 marins, hommes et femmes, de l’équipage que je commande. Un cuisinier, un commis aux vivres, des mécaniciens, des électriciens, des pilotes de Zodiac, ou encore un artilleur spécialiste des diverses armements que nous embarquons. De nombreuses spécialités qui permettent au bateau de réaliser un grand panel de missions en mer. Mais également, d’être autonome sur la conduite de ces systèmes complexes et sur leur entretien. Toutes ces spécialités et plus encore sont renseignées sur le site de la Marine : lamarinerecrute.fr.
Des marins mariés, célibataires, pères et mères. Ils viennent des quatre coins de la France, de la Bourgogne à Brest, en passant par Nice. Des françaises et des français passionnés et dévoués à leur travail. Des militaires qui ont choisi de servir leur pays sous l’uniforme de la Marine et que j’ai l’honneur de commander.
Les marins et la machine
Pendant mes 18 mois de commandement, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de constater la valeur inestimable des militaires engagés au service de la France. C’est ensuite à la machine de rentrer en scène : le patrouilleur nommé la Résolue. Il s’agit de 750 tonnes d’acier, pensées et dessinées spécifiquement pour la Guyane et les missions que l’on y réalise. Un bateau extrêmement efficace permettant de naviguer proche de la côte afin de débusquer les pêcheurs illégaux qui sévissent dans la zone comme de se déployer vers les Antilles ou le Brésil. Ainsi, c’est bien la réunion de ces deux facteurs, l’association de marins entrainés et extrêmement compétents avec un bateau moderne, qui nous assure la réussite de nos différentes missions.
Un départ aux aurores
Au cœur de l'aube équatoriale
La mission débute aux aurores, tandis que le jour n’est pas encore levé et que rien n’est encore visible. La forêt équatoriale et la mangrove sont les seules maîtresses de la nuit. Crapauds buffles, singes hurleurs et oiseaux s’en donnent à cœur joie. Ils emplissent la nuit de sons divers. Rien d’étonnant : la base navale de la Marine nationale qui accueille nos patrouilleurs est située sur le fleuve du Mahury à Dégrad-des-Cannes en Guyane, en lisière de forêt.
Mais, sur le pont du patrouilleur la Résolue et en passerelle, là où l’on dirige le bateau, les marins s’activent. L’appareillage est prévu dans quelques minutes. L’équipage n’attend plus que les derniers comptes-rendus des machines pour larguer les aussières, les cordes qui nous relient au quai.
Les préparatifs sur le patrouilleur
Depuis plusieurs jours, tout l’équipage a préparé ce départ. De la vérification du bon fonctionnement de nos différents équipements, du matériel qui nous permet de produire notre électricité, à nos systèmes de communication en passant par le ravitaillement en vivres frais. Chaque marin a ainsi participé à cette préparation : du jeune matelot avec quelques mois d’expérience aux sous-officiers qui naviguent depuis 20 ans. Un travail d’équipe où chacun a un rôle important. D’ici à quelques heures, nous serons au large des côtes guyanaises. Nous sécuriserons le domaine maritime pour le lancement d’une fusée Ariane V. Depuis Kourou et le centre spatial guyanais, celle-ci emportera loin, là-haut dans l’espace, un satellite militaire de communication.
Un esprit d'équipe
Un départ aux aurores en raison de la marée. Il est certes un peu fatigant, mais il nous donne aussi la chance de voir le soleil se lever sur une mer bleue vierge de tout bateau. Ce moment, c’est aussi l’occasion pour le Commandant que je suis de partager un café avec mes marins de quart en passerelle et de sentir le pouls de l’équipage. Des moments d’échanges privilégiés qui permettent de jauger le moral, de s’informer sur leurs familles, leurs enfants. De savoir si la candidature de l’aîné dans une université de métropole a été retenue ou encore si l’entretien de la fiancée de mon officier opérations s’est bien passé. Il ne s’agit pas de curiosité. C’est mon rôle d’officier et encore plus de Commandant que de connaître mes marins et de les aider dans la mesure de mes moyens lorsqu’ils affrontent des difficultés. Et ce, au travail comme dans leur vie personnelle.
Une mission d'une importance stratégique
Une zone stratégique
L’officier de quart et son adjoint scrutent l’horizon qui progressivement se dévoile. Ils cherchent une piste, un point noir qui se détache, une potentielle menace pour la fusée. Puisque c’est là notre mission : vérifier l’absence de menace en mer et prévenir les bateaux que l’on croise que certaines zones sont interdites à la navigation en raison du tir de la fusée Ariane. En effet, au cas où un problème surviendrait durant le décollage de la fusée Ariane V, elle pourrait être détruite à distance et il convient donc d’empêcher la présence de bateaux dans la zone de retombée des débris.
Une mission interarmées
En lien permanent avec le poste de commandement à terre, nous quadrillons une large zone. Nous traquons tous les échos radar afin de les identifier. À terre et dans les airs, les hélicoptères de l’Armée de l’Air et de l’Espace, mais aussi légionnaires de l’Armée de Terre, veillent eux aussi. Une mission interarmées, d’une importance capitale pour la France. L’objectif est de pouvoir accéder en autonomie à l’espace. Si vous recherchez davantage d’informations sur les missions des Forces Armées en Guyane, elles sont disponibles sur le site du ministère des Armées
Un équipage aux auguets
L’équipe qui veille en passerelle est constituée de 3 marins : un officier, un adjoint mécanicien pour la conduite de la propulsion et un adjoint pour piloter le bateau. De jour comme de nuit, lorsque le bateau est en mer, une équipe veille en permanence. Toutes les quatre heures, une nouvelle équipe les remplace. Lourde responsabilité pour mon jeune officier opérations qui sort tout juste de l’école navale où l’on forme les officiers à leur métier. Lourde responsabilité certes, mais par ailleurs une superbe expérience que celle de commander des hommes et des femmes passionnés par leur métier de marin. Le temps est clément et la houle berce gentiment le bateau, des conditions idéales pour ce lancement stratégique pour la France !
Un spectacle fantastique
Le patrouilleur La Résolue prêt pour le décollage d'Ariane V
Après plusieurs heures écoulées, aucune menace n’a été détectée cette fois-ci. Les pêcheurs, informés du décollage de la fusée Ariane V, quittent progressivement la zone. Le patrouilleur la Résolue rejoint sa zone assignée située à quelques kilomètres du pas de tir… La séquence se déroule sans accroc et j’imagine, peut-être naïvement, les derniers instants du compte à rebours dans le poste de commandement du centre spatial. Malgré l’heure tardive, l’ensemble de l’équipage s’est rassemblé sur le pont à l’avant du navire.
Le lancement qui a lieu de nuit est spectaculaire. Il serait dommage de le manquer. Ensuite vient le moment tant attendu : l’allumage de la fusée, quelques secondes avant l’heure prévue pour le décollage de la fusée Ariane V.
Vers l'infini et au-delà : un départ épique
Cette boule de feu qui lentement s’arrache à l’attraction terrestre. Elle s’élève progressivement vers l’espace, semblant lutter pour se libérer. Après la lumière, survient le bruit tonitruant qui nous parvient seulement plusieurs secondes après l’allumage. Un grondement profond, tel un tonnerre.
Nous suivons toujours la trajectoire de la fusée qui peu à peu quitte l’atmosphère et disparaît. À bord du patrouilleur, nous avons accompli notre mission. En prime, nous obtenons le privilège d’assister au départ de la fusée Ariane V depuis le meilleur point de vue possible. Une magnifique récompense pour les marins après une courte nuit, n’est-ce pas ? Le patrouilleur la Résolue quitte alors sa zone et navigue vers la base navale de Dégrad-des-Cannes avec pour objectif de compléter les stocks en carburant et en vivres, mais aussi de se préparer à la future mission : la lutte contre les pêcheurs illégaux qui pillent les ressources en poissons dans les eaux françaises. Mais, ça, c’est une autre histoire…
Un travail d'équipe
Finalement, chaque marin de l’équipage, du cuisinier au spécialiste des communications en passant par le chef des électriciens, a apporté sa pierre à l’édifice avec un seul objectif : le succès de la mission. Et c’est bien là mon rôle de Commandant : préparer mes marins et mon bateau à réussir les missions ordonnées.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la Marine nationale, le métier d’officier ou de marin, ce sera un plaisir d’échanger avec vous sur My Job Glasses ! Pour découvrir l’ensemble des ambassadeurs de la Marine nationale, rendez-vous ici.
À propos de l'auteur
Esteban
Capitaine de corvette, officier de la Marine nationale
Après avoir intégré l’Ecole Navale en 2008, le capitaine de corvette Esteban choisi de servir à bord des sous-marins. Ses 15 ans d’expérience au sein de la Marine nationale lui ont permis de naviguer partout dans le monde et de participer à des opérations de lutte contre le terrorisme, de renseignement, mais aussi de lutte contre les activités illicites comme le trafic de drogue ou la pêche illégale. Il a également eu la chance de commander un patrouilleur en Guyane durant 18 mois.
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